Raven, petite idiote. Où cela te mène-t-il ? Une course folle pour se prouver qu’on est toujours la même, qu’on est jeune et que rien n’a changé, pour coller à l’image absurde qu’on s’est imposé il y a bien longtemps qui sait pourquoi, jeunesse et je n’ai pas frappé tous les murs, tout ou rien, l’idéal ou la mort, cet imaginaire épique enfin, et pour se semer du mieux possible comme si on pouvait jamais échapper à soi. Tu ne fais que fuir, et tu nies, tu ne sais faire que cela, nier, leurrer l’univers tout entier et sa propre personne au milieu, se raconter de belles histoires en espérant qu’ainsi la vilaine réalité sera un peu plus à l’exemple des romans mièvres que tu as consommé en trop grande quantité, tu n’es rien qu’une menteuse, tu es une sale menteuse, toi qui t’érige en modèle d’intégrité. Espèce de menteuse, disent les petits enfants, et c’est ce que tu es, connasse d’idéaliste avec cette épaisse brume fichée dans les yeux, pour rester correcte.
Sûre ou quasi-sûre tout ceci n’est, ne peut être qu’une gigantesque blague, j’ai fiché le bout de carton roulé dans ma narine gauche, j’ai obstrué l’autre et j’ai aspiré de toutes mes forces. Au XIXème siècle dans l’iconographie les femmes sont toujours à leur fenêtre à regarder la vie passer, paraît-il. Narcisse contemplait son reflet à la surface de l’étang et ce qu’il avait peur que la moindre petite chose trouble cette eau si pure, casse le tableau et impose la réalité extérieure, mais cela n’est jamais arrivé et c’est la même destinée que tu vis aujourd’hui, pauvre abrutie. Spectatrice, tu n’es qu’une pauvre spectatrice d’une représentation qui se roule et se déroule en boucle en permanence devant ton expression ahurie, et plus tu souhaites y être plus tu réalises y échapper par cette quête même du cœur du volcan, et comment une chose pareille a-t-elle pu m’arriver ?
Il est rare que de joyeuses pensées se profilent à l’horizon les dimanches soirs. Sois honnête une fois dans ton existence, la vérité c’est que tu as peur, une peur panique, de tout, de rien, de toi, des autres, du temps qui passe, de la régression, du monde, du reste, tu as la trouille ma vieille, une terreur bleue qui t’empêche d’enjamber enfin le rebord pour s’élancer après cette longue attente, ce geste qui semble si simple pour tant et si impossible pourtant. Stupide adolescente manquée qui regarde par la fenêtre, se penche du mieux qu’elle peut et ne voit rien pourtant, sans doute parce qu’elle a les yeux fermés. Un jour ce type nous avait dit que nous vivions dans un monde de princesses et qu’il ne voulait pas être celui qui nous en ferait sortir, mais savait-il vraiment, en avait-il conscience, à quel point il avait visé juste, sans pourtant rien atteindre ?
En effet, il serait temps peut-être d’arrêter avec cette connerie de mythe.