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La vie est ailleurs
23 février 2007

Voyagez-vous

Je voudrais m'en aller. 

Il faut voyager, vous savez. Il faut voyager toute sa vie, sans cesse, dès que l'occasion s'en présente, le plus loin et le plus longtemps possible. Il faut partir, il faut revenir, et puis repartir, il faut plonger dans des mers inconnues et escalader des volcans endormis, il faut se fondre dans le vacarme des grandes places du Sud à l'aube et au crépuscule, il faut se serrer dans un siège d'avion et se laisser porter par le bercement des trains, il faut vomir par-dessus le bastingage des bateaux et courir à toutes blindes à travers des rues inconnues. Il faut voyager non pas parce que cela forme la jeunesse comme dit l'adage, non pas pour s'amuser, pas même pour l'échappatoire, pas seulement. Il faut voyager parce que la vie est là.

Parce qu'on ne vit pas, la plupart du temps, savez-vous. On se contente d'exister, non, de survivre, l'être évolue dans un curieux monde fantomatique façon caverne de Platon, et cela n'a rien à voir avec la vraie vie, non. Heureusement, il y a des moments de grâce, des parenthèses, des coups de tonnerre où soudain on se retrouve projeté dans la Vraie Vie, rencontres aussi brutales qu'éphémères nichées au détour d'un carrefour, à travers les coups sourds de la batterie, parmi les volutes de fumées des blanches soirées, dans l'odeur âcre de la vodkacoca et au milieu des exclamations et gesticulations des conversations d'adolescents déjà sur le retour. Des instants de vie au milieu de la survie. La vie telle qu'on la conçoit, telle qu'on l'a toujours cherchée, telle qu'on la poursuivra probablement toujours.

Et les voyages en sont le point d'orgue, de ces exquises exceptions. Chaque fois que je suis partie j'ai eu cette impression de vivre vraiment, chaque fois, que j'aie apprécié la destination ou non, que le déplacement se soit déroulé sans encombres ou non, ce sont les seuls laps de temps où nous est offerte la possibilité de toucher la vie du doigt et la tenir au creux de sa paume émerveillée. Alors il faut voyager. Attraper des coups de soleil en roulant en vieille guimbarde à ciel ouvert sur celui des Iles, regarder la mer se précipiter vers vous à toute allure et puis refluer soudain en vous poussant toujours plus avant dans son mouvement, s'étonner devant la petite taille du Mur de Berlin, manger indien à Prague, chinois à Venise, italien à Budapest, monter jusqu'en haut du Vésuve et se reposer dans la fraîcheur dangereuse des squares de Naples, il faut sourire à des Marocains et causer avec des Athéniens, écrire des phrases de La Boétie devant San Pietro et réciter du Aragon aux heures où la bouche se fait pâteuse et le fond de l'air piquant, il faut tout voir et plus encore, il faut les orages les roues qui grincent et les chaussures qui soupirent d'avoir parcouru déjà tant de kilomètres et de n'être qu'au début de leur peine.

Il faut voyager parce qu'il faut vivre.

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Commentaires
L
...beau Raven...Ta plume s'est joliment envolée avec le temps...<br /> Les voyages nous permettent surtout de vivre des relations courtes mais très fortes émotionnellement...de rencontrer des gens étonnants et de faire tout et n'importe quoi sans limite aucune...<br /> <br /> Salutations.(sur un air des Béru "Salut à toi", dieu que c'est vieux...)<br /> <br /> Lord Chaos.
R
Et parfois aussi on lit des commentaires dont on en espérerait d'aussi jolis plus souvent !
D
Parfois on lit une note et on se dit qu'on aurait aimé l'écrire. En fait non pas parfois, rarement. Quand ça arrive on a envie de remercier la personne qui l'a écrite. Je crois que ce moment est arrivé.
R
Quel étrange commentaire...<br /> j'aurai presque envie de répondre : mais c'est à toi, de t'emmener avec toi.
M
tu m'emmenes avec toi?
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