Wonderfull world
Elle s’inflige cela elle ne sait pas vraiment pourquoi. Ces déflagrations de sons de musique et de violence entremêlés, la batterie et la basse à l’unisson avec le rythme cardiaque, le tourbillon de crêtes de Rangers de bras qui s’agitent baigné par les vapeurs de l’alcool et du shit. Se jeter là-dedans comme on se jette dans les flammes de l’Enfer, aussitôt emportée dans la mêlée démente, recevoir un coup dans le dos plus fort que les autres et entendre son coude et son genou craquer lorsqu’ils entrent en contact avec le sol carrelé. Se relever, pardon se faire relever aussitôt. Et elle repart. Presque étourdie par la rage qui l’entoure. Elle semble plus âcre, plus dure, plus puissante que d’habitude, au point qu’il est impossible de laisser exprimer la sienne propre par-dessus. Ce qui a lieu ici dans ses mouvements frénétiques et désespérés est de l’ordre non du défoulement mais de la survie.
Elle s’inflige ce plongeon dans le chaos personne ne peut vraiment comprendre pourquoi. Se fait à elle-même des commentaires de vieux de la vieille, putain c’est vraiment plus pareil ces concerts, tout le monde a oublié ce que c’est que la solidarité, maintenant le but est vraiment de frapper l’autre le plus fort possible. Tout ceci en frappant elle aussi, et de plus belle, les dos les épaules les hanches qui l’entourent, parce qu’évidemment que cela ne veut strictement rien dire ce semblant de raisonnement, en plein milieu de quelque chose qui dépasse le verbal. Ancien rite danses autour du feu et compagnie des sociétés païennes qu’on appelle primitives. Et bien entendu qu’elle la sent palpiter, cette joie sauvage au fin fond de son estomac, tandis qu’elle se laisse porter par la masse bouillonnante et anonyme, et hurle, tombe, se relève, recommence. Dès le lendemain, elle montrera ses cicatrices de guerre, retracera leur histoire, comparera peut-être. En attendant, elle tourbillonne comme une princesse de dessin animé un peu déjantée, avec des chevaliers qui la laisserait participer, qu’ils l’aient vu ou non, au tournoi. Et éclate de rire sans entendre le son de sa voix en reconnaissant derrière les accords barbares quelques mots de la superbe chanson d’Amstrong.
A quoi bon savoir pourquoi elle s’inflige cela ?
[extrait de la nouvelle que j’ai écrite après le samedi soir]
[sur fond de Ravel, car c’est exactement la même chose que du punk]
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